mercredi 18 octobre 2017

Gilles de l'auto-école

Ha Gilou...cette bonne vieille auto-école...que de souvenirs qui remontent à plus d'une décennie.

Je vous spoile des le départ mais j'ai fini par avoir mon permis, ailleurs que dans son école mais ma persévérance a payé.

Donc Gilles, c’était le patron d'une auto école, le type jeune cadre dynamique avec son blouson de motard et ses lunettes de soleil, le bras musclé et doré par les heures de conduites en extérieur, le petit sourire enjôleur qui va bien avec le clin d'oeil. Le frimeur quoi. Moi quand je vois un gars qui roule des mécaniques comme ça je me demande toujours pourquoi, ça se cache derrière tellement d'artifices que ça en devient flagrant. Un besoin de se rassurer, de plaire, d’être vu, ça me dit vaguement quelque chose.

Lorsque je suis venue m'inscrire poussée par ma grand mère qui voulait me récompenser d'avoir réussi mon Bac (histoire de l'art option arts plastiques) c'est Cécile, la secrétaire qui nous a reçu. Une jeune et jolie blonde douce au regard nordique. Je m'inscrit en même temps que mon petit copain, nous passons le code que j’obtiens assez facilement et lui un peu après. Les heures de conduites se passent avec Hervé, avec lui ça ne rigole pas, ça serait même plutôt l'inverse. Après m’être présentée à l'examen de conduite mal préparée je perd confiance et les heures de conduite s'accumulent, deuxième examen raté pour excès de courtoisie, le troisième je cale dans un rond point, le quatrième c'est l'inspecteur qui freine à ma place évitant de justesse un chauffard qui grillait la priorité ... Un an et deux cahiers de formations plus tard, je commence ma vie de passagère dans la voiture de mon mec car lui a eu son permis depuis longtemps.

Un jour où je venais pour deux heures de conduite, j'assiste à une scène de ménage entre Gilles et sa secrétaire : elle jette les clefs par terre et part en claquant la porte, le traitant de menteur. Sur cette ambiance des plus conviviale nous partons Gilles et moi pour une petite virée dans le val de marne.
Comme Gilles est un peu dragueur, il complimente toutes les belles filles qui passent sous ses yeux et chaque fois que je fait des heures de conduites, j'ai droit a tout un tas de compliments sur ma tenue, ma posture, ça en devient limite bizarre mais comme il le fait de manière généralisée, je ne me laisse pas perturber et histoire de le chauffer un peu (s'il veux jouer son charmeur) la conversation dérive je ne sais plus trop comment sur les lesbiennes, je suis diabolique parfois, et il me demande si cela fait parti de mes fantasmes pourtant il sait que j'ai un mec. Pour le voir changer de tête, je lui répond que j'ai déjà essayé mais pas assez longtemps pour savoir si la pénétration finirait par me manquer. Il reste quoi et me demande si je suis disponible cet été, son poste de secrétaire vient de se libérer, qu'il aurait besoin de quelqu'un comme moi. Je ne pensais pas qu'il enchaînerais là dessus mais je me doute qu'il a une idée derrière la tête, vu la réaction de Cécile je ne met pas longtemps à supposer qu'elle avait une liaison et pour se mettre dans cet état probablement des sentiments. 
Néanmoins je me dis que ce boulot tombe à pic et que je ne suis pas née de la dernière pluie, je le vois venir à dix kilomètre.. Lorsque je reprend le poste de Cécile, il me confie la boutique comme si nous étions associés et me demande de profiter du calme de juillet pour ranger toutes les archives papiers qui datent d'avant le logiciel. En rangeant je tombe sur les papiers d'un tribunal, des plaintes de clients, plusieurs...je remet tout en ordre alphabétique, chronologique, je répond au téléphone et prend les rendez vous, j'aime mon job si ce n'est que je sais que je travaille pour un salopard. 
Le temps passant et la confiance s'installant il me demande un jour de mentir à sa femme prétextant qu'il n'est pas là. Je ne comprend pas trop et après lui avoir dit de ne plus me demander de mentir il continue de me donner des excuses bidons à transmettre à son épouse.
La canicule s'installe et comme d'habitude j'ai droit à des réflexions sur ma plastique plus souvent quand je passe le balai, il trouve que je le fait bien.
 Un jour il me demande si je peux porter des jupes, alors pour lui faire croire que je suis docile je met une jupe, mais longue.
Alors il me demande d'en mettre une courte, pas plus courte juste courte...ok mon coco. Le lendemain j'arrive habillée en cagole de base et là c'est le loup de Tex Avery en transe limite amoureux qui me reçoit.
Il veux qu'on passe plus de temps a discuter, se connaître, il aime mon coté sensible pour ça qu'il pense que ça serait top qu'on commande des pizzas pour les manger ensemble à la pause dans la salle de vidéo projection. Bien-sur Gilles, pas de soucis Gilles. Les pizzas j'aime pas ça mais pour ne pas faire ma snob je mange une part ou deux, il rote ses poivrons et enfin les choses sérieuses vont commencés. Je le sais depuis le début et lui ne sais pas qu'en fait, il est tombé dans mes filets.

Il se rapproche et ne sais pas trop comment s'y prendre, il est timide comme c'est craquant, alors je l'aide un peu et lui propose ma bouche à embrasser pour qu'il arrête de bafouiller. Mais il continue sans mot juste avec les mains, il trifouille un peu partout à la va-vite, il se hâte de tirer sa chemise et défaire les boutons de son jean en respirant par grande bouffée paniquée,  il enchaîne rapidement faut dire qu 'on a plus beaucoup de temps aussi, il est derrière moi contre mes fesses à essayer de sortir sa bite et j’attends. Il ne se passe rien. Je me retourne un peu et le vois se branler courbé sur lui même en me disant qu'il est désolé. Visiblement du mal à bander, il tente de se remettre en forme, je le cajole des yeux et lui dit que ce n'est rien en le prenant dans mes bras.

Le cap est franchi, je suis devenue sa maîtresse même si rien ne s'est fait, il est question qu'il vienne chez moi pour avoir plus de temps. Je n'attendais rien de cette relation, je le savais marié, un peu coureur, et même pas foutu de passer à l'action, je le trouvais faux... bref, je ne l'aimais pas.

Comme j'avais droit à une commission à chaque inscription d'un nouvel élève, je me faisait une joie de convaincre les gens venus se renseigner. Un jour j’inscris un élève et d’après le nom de famille Gilles en déduit que la personne est d'origine africaine. Il grimace et me sort que s'il ne paye pas, cela sera retenu sur ma paye. Je suis stupéfaite de sa réflexion.
Il y avait quelques élèves à l'auto école qui, comme moi, étaient des femmes et, comme moi, rataient à répétition leur permis. J'ai entendu Gilles et Hervé rirent du fait qu'elles allaient devoir tout repasser après le cinquième essais, j'avais l'impression que certaines étaient présentées à l'examen mal préparée, comme moi, par un prof qui décourage mais pour eux c'est tout bénef.

Gilles avait cette expression d'ailleurs, qui me faisait bien rire, "c'est le nerf de la guerre". J'avais du mal à me représenter l’allégorie alors comme il était question que je dessine la devanture de la boutique, je crayonnais sur un coin de table et Gilles vient se pencher sur mon épaules pour voir et repart aussitôt le visage écœuré "bhaaa" et moi en rigolant "et bien quoi? c'est le nerf de la guerre".

Un jour Madame Saw vient poser des heures de conduite. Je lui imprime son papier de rendez vous et dessus est écrit aussi qu'elle doit une certaine somme, elle me demande pourquoi vu qu'elle a annulé les heures en question et je répond que je ne suis pas au courant, l'ordi me donne les infos que Gilles a rentré dedans. Elle part fâchée en me lançant un glaçant "toi aussi, tu es dans ses combines" et s'en va attendre le bus à l’arrêt d'en face.
Là je cogite sévère, elle a raison putain, il fait le coup à tout ceux qui sont blacks ou asiat, les femmes... c'est un sacré connard en fait quand on y pense! j'ai pas envie d’être associé à tout ça moi, je suis intègre, éprise de justice. "Alors agis" me dis une petite voix intérieure malicieuse.
Je place le curseur à coté de la somme et l'efface, je ré imprime la feuille de rendez vous sans dette cette fois ci et je m'en vais traverser la rue pour la donner à Madame Saw. "Merci-Merci" me dit elle en me fixant les pupilles. Je me sens vraiment bien à cet instant, mais quand je me retourne en bonne samaritaine, je me rend compte que j'ai laissé la boutique vide : abandon de poste!
J'ai osé bordel. Alors t'en qu'à faire...on ne va pas s’arrêter là : Madame Chen, Monsieur Hamadou, hop hop, sans dette, sans dette, voilà le dernier compte de client nettoyé de ses dettes, enregistrer, enregistrer aussi une copie sur la disquette de sauvegarde et voilà, mission accomplie. J'en profite pour annuler mon dernier examen et les heures de conduites qui sont prévues pour moi. C'est décidé, je me casse moi aussi. Gilles revient de son cours de moto, il est comme toujours en train de lorgner sur le décolleté d'une jeune élève et me dit que si sa femme appelle, il n'est pas là. "Ha au fait Gilles, comme je part en week-end en Normandie, est ce que tu pourrais me payer les heures que j'ai fait jusqu'à présent?"
 Il me payait avec des chèques de clients, je bossais au black, autant vous dire que ce n’était pas légal du tout. 
L’après midi, des gens viennent se renseigner pendant que je rédigeais une belle lettre d'adieux à Gilles. Autant vous dire que je me suis régalée à leur dire les courriers de plaintes que j'avais trouvé dans les archives, qu'en moins de deux mois j'avais eu droit a des réflexions sexistes et des avances tout comme la précédente secrétaire, qu'il faisait des différences de tarif en fonction de la couleur des gens et qu'il laissait des élèves se planter à l'exam pour les plumer jusqu'au derniers sous. On s'est bien marrer et ils m'ont remercier pour mon honnêteté. Le soir je déposais mes chèques sur mon compte et partais pour Cabourg faire du cheval le long de la cote normande. 
Le lundi matin alors que j’étais censée ouvrir l'auto-école, je ne suis pas venue,  je n'ai pas répondue au téléphone, j'avais encore les clefs de la boutique.
 à 9 h le cours de conduite a lieu avec Hervé et son élève ainsi qu'une dizaine d’élève de code et moi je ne suis pas là, je n'ouvre pas et Gilles qui commence plus tard va avoir une drôle de surprise pour commencer sa semaine.

De chez moi j'imagine l’accueil des douze "pas contents d'attendre" qui vont réclamer le remboursement des heures non faites, après ça il ouvre son ordi et découvre l'ampleur du désastre.
Je n'ai que ses messages sur mon répondeur pour me fendre la gueule mais dans le premier il est furax "bon Anouchka? c'est pas sérieux de laisser les gens à la porte". Au deuxième, il vient de comprendre, il est devenu fou, paniqué : "mais qu'est ce que tu as fait?" Au troisième, il pleure " Je t'en pris, rend moi les clefs" Au quatrième, il menace d'aller chez les flics. Alors je le rappel "vas y mon cher Gilou, va chez les flics, raconte leur tout, que tu couches avec tes secrétaires, que tu trafiques les comptes des clients, que tu me payes avec leurs chèques, tout est écrit dans la lettre que tu as du trouver, j’espère avant les autres" 
Capitulation. Il voulait les clefs et on serait quitte donc je suis passée lui rendre avec l'impression d'avoir fait un truc bien, d'avoir botté le cul d'un salopard qui avait fait souffrir plusieurs femmes mais pas moi. 

  Parfois lorsque je raconte cette histoire, les gens ne veulent pas me croire, ce n'est pas la première fois et à vrai dire je m'en fou, c'est mon bonbon ce souvenir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire